Inaptitude au travail d’un salarié : comment la gérer ?
Qu’ils soient d’origine professionnelle ou non professionnelle, un accident ou une maladie peuvent rendre inapte un salarié à occuper son poste de travail. Mais encore faut-il que cette inaptitude soit reconnue par le médecin du travail. Et si tel est le cas, quelles sont les solutions qui s’offrent à l’employeur ? Zoom sur les règles à mettre en œuvre lorsqu’un salarié de l’entreprise n’est plus en mesure d’exercer son emploi.
Un avis d’inaptitude délivré par le médecin du travail
Un examen médical et une étude de poste
Seul le médecin du travail est habilité à reconnaître l’inaptitude d’un salarié à occuper son poste de travail dans l’entreprise. L’inaptitude du salarié pouvant être constatée, notamment, lors d’une visite de reprise après un arrêt de travail pour maladie, lors de la visite médicale d’embauche lorsque le salarié bénéficie d’un suivi médical renforcé ou bien lors d’une visite médicale réalisée à la demande du salarié ou de l’employeur.
Attention : la reconnaissance de l’invalidité du salarié par l’Assurance maladie, quelle que soit la catégorie d’invalidité retenue, n’équivaut pas à son inaptitude au travail.
Afin d’apprécier l’aptitude d’un salarié à occuper son emploi, le médecin du travail doit réaliser au moins un examen médical, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires permettant un échange avec le salarié sur les mesures d’aménagement, d’adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste. Sachant qu’une deuxième visite médicale peut, à la demande du médecin du travail, être organisée dans les 15 jours suivant le premier examen.
En outre, le médecin du travail doit procéder à une étude du poste de travail du salarié et des conditions de travail dans l’entreprise. Une fois ces démarches accomplies, il doit encore, avant de prendre sa décision, échanger l’employeur afin que ce dernier puisse faire valoir ses observations quant aux avis et propositions émises (aménagement, adaptation ou mutation du poste de travail, notamment).
En pratique : les échanges entre le médecin du travail et l’employeur peuvent s’effectuer par tout moyen, à savoir en face-à-face, par courrier ou encore par téléphone.
Un avis médical motivé
Dès lors qu’il constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste occupé n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste, le médecin du travail déclare le salarié inapte.
Il rédige alors un avis d’inaptitude qui doit être motivé par des conclusions écrites assorties d’indications relatives au reclassement du salarié. Il peut ainsi préciser les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise ou à suivre une formation le préparant à occuper un poste adapté. À l’inverse, le médecin du travail peut indiquer, par exemple, « que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ».
À savoir : l’employeur, tout comme le salarié, peut contester les avis, les propositions écrites et les indications reposant sur des éléments de nature médicale émises par le médecin du travail dans un délai de 15 jours auprès du conseil de prud’hommes. L’employeur devant informer le médecin du travail de cette contestation, et ce même si elle émane du salarié.
Une obligation de reclassement incombant à l’employeur
Où rechercher un poste de reclassement ?
L’employeur doit rechercher un emploi de reclassement correspondant aux capacités du salarié reconnu inapte à occuper son poste. Une obligation qui revêt les mêmes caractéristiques que l’inaptitude du salarié soit d’origine professionnelle (accident du travail ou maladie professionnelle) ou non professionnelle.
Exception : l’employeur est dispensé de l’obligation de rechercher un emploi de reclassement pour le salarié si le médecin du travail indique dans l’avis d’inaptitude que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
L’employeur doit effectuer sa recherche d’emploi de reclassement parmi les postes disponibles (même en CDD) dans l’entreprise, mais également au sein des entreprises du groupe auquel il appartient. Étant précisé que cette obligation se limite aux entreprises situées sur le territoire national et dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettent d’assurer la permutation de tout ou partie du personnel.
Important : l’employeur doit consulter le comité social et économique (ou, le cas échéant, les délégués du personnel) avant de proposer un poste de reclassement au salarié.
Comment formuler une offre de reclassement ?
Les offres de reclassement que l’employeur soumet au salarié inapte doivent être précises et sérieuses, c’est-à-dire mentionner la qualification du poste, la rémunération et les horaires de travail. Et même si la loi ne prévoit aucun formalisme, il est fortement recommandé à l’employeur de formuler ces offres par écrit.
Précision : les juges admettent que l’employeur limite ses offres de reclassement en fonction des souhaits émis par le salarié, notamment quant au secteur géographique des emplois proposés. Là encore, il est conseillé à l’employeur de recueillir la position du salarié par écrit.
Une procédure de licenciement à respecter
Lorsque la recherche de reclassement aboutit à une absence d’emploi disponible ou que le salarié inapte refuse les offres de reclassement qui lui sont proposées, l’employeur doit informer ce dernier par écrit des motifs s’opposant à son reclassement. Il peut ensuite engager une procédure de licenciement pour inaptitude.
Quelles sont les démarches à accomplir ?
Si le salarié reconnu inapte a signé un contrat de travail à durée indéterminée, l’employeur doit suivre la procédure de licenciement pour motif personnel. Autrement dit, l’employeur convoque le salarié à un entretien préalable au licenciement, puis lui adresse une lettre de rupture. Cette lettre devant indiquer le motif du licenciement, à savoir l’inaptitude du salarié, et l’impossibilité de le reclasser sur un autre emploi ou la dispense de reclassement formulée par le médecin du travail.
À noter : le licenciement pour inaptitude d’un salarié dit « protégé » (représentants du personnel, conseillers prud’hommes…) requiert l’autorisation de l’inspecteur du travail.
S’agissant d’un contrat à durée déterminée (CDD), l’employeur peut le rompre de manière anticipée dès lors que le salarié est reconnu inapte et que son reclassement est impossible (absence de poste disponible, refus des offres de reclassement ou préconisation du médecin du travail).
Attention : au-delà de la procédure légale, l’employeur doit respecter les dispositions prévues par sa convention collective en matière de licenciement pour inaptitude.
Quelles sont les indemnités à verser au salarié ?
Le salarié licencié pour une inaptitude d’origine non professionnelle doit percevoir l’indemnité légale de licenciement prévue par le Code du travail ou, si elle est plus favorable, celle mentionnée dans la convention collective applicable à l’entreprise. Et il n’a pas droit à une indemnité compensatrice de préavis sauf convention collective plus favorable.
Lorsque l’inaptitude du salarié est d’origine professionnelle, son indemnité légale de licenciement est, en l’absence de dispositions conventionnelles plus favorables, multipliée par 2. Et il a droit à une indemnité compensatrice de préavis.
À savoir : le salarié qui a refusé, sans motif légitime, un emploi de reclassement correspondant à ses capacités et comparable à son précédent emploi (même rémunération, notamment) et qui est licencié en raison d’une inaptitude d’origine professionnelle perd son droit à l’indemnité compensatrice de préavis et au doublement de l’indemnité légale de licenciement. En outre, l’employeur doit, le cas échéant, verser une indemnité compensatrice de congés payés au salarié.
Dans le cadre de la rupture anticipée d’un CDD en raison de l’inaptitude du salarié, ce dernier a droit, outre l’indemnité de fin de contrat, à la même indemnité que celle qu’il aurait perçue s’il avait été licencié.
En complément : l’employeur n’est soumis à aucun délai particulier pour tenter de reclasser un salarié inapte, le licencier ou rompre son CDD de manière anticipée. Toutefois, si dans le mois suivant la visite de reprise du travail ayant donné lieu à l’avis d’inaptitude, l’employeur n’a pas reclassé le salarié ou mis un terme à son contrat de travail, il doit alors reprendre le versement de sa rémunération correspondant à l’emploi précédemment occupé. Et ce, jusqu’à ce que le salarié reprenne un emploi dans l’entreprise ou que son contrat de travail soit rompu.
@ Les Echos Publishing 2019 - Crédit photo : Coralie Soustre